Okja, de Joon-Ho Bong

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Pendant dix années idylliques, la jeune Mija s’est occupée sans relâche d’Okja, un énorme animal au grand cœur, auquel elle a tenu compagnie au beau milieu des montagnes de Corée du Sud. Mais la situation évolue quand une multinationale familiale capture Okja et transporte l’animal jusqu’à New York où Lucy Mirando, la directrice narcissique et égocentrique de l’entreprise, a de grands projets pour le cher ami de la jeune fille. 

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Nous sommes dans un monde qui à vrai dire est plutôt proche de la réalité que nous connaissons puisque la population augmente à travers le monde, mais qu’il y aura bientôt pénurie de nourriture pour tous. L’entreprise Mirando, par l’intermédiaire d’une famille folle qui se trouve à sa tête, pense avoir trouvé la solution : d’ici une dizaine d’années, un « super pig » sera mis en production et donnera de la viande bonne, à profusion, afin de pouvoir nourrir l’humanité toute entière à bas prix. Derrière cette ingénieuse idée, comme toujours se cachent l’appât du profit à tout prix, les OGM. Rien que nous ne connaissons pas actuellement dans la réalité.

Cependant, Okja n’est pas un documentaire. C’est un très beau film qui sait habilement mêler réalité et animation (Okja, l’animal, est prodigieusement bien fait). On pense parfois à Miyazaki et son Totoro, ou encore sa Chihiro. Ainsi, ce film coréen s’inspire peut-être de ce grand réalisateur japonais, et avec brio. Parce que ce n’est pas un documentaire, le réalisateur Joon-Ho Bong invente un tout autre animal (Okja), à la fois proche de l’hippopotame, et du chien-dragon de l’Histoire sans fin. Il y a dans cette bestiole quelque chose de merveilleux et de fantastique, dans sa façon de couvrir de son regard quasi humain la petite fille qui l’accompagne et l’élève avec amour depuis tant d’années.

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C’est pourtant un film radicalement engagé. Les thématiques et la trame du film laissent penser que le réalisateur n’est pas indifférent à la cause animale, et il nous embarque donc dans cette histoire de façon très intelligente et calculée comme si nous étions vierges de ce type de faits. Nous voilà donc attrapés, attendris par un animal qui n’existe pas mais qui nous touche particulièrement par sa capacité à ressentir et agir avec intelligence, et nous nous préoccupons de son sort : non, nous ne voulons pas qu’il termine en steak pour nourrir l’humanité.

Le scénario est donc très habile, mais un tantinet attendu : nous découvrons l’animal dans la nature, un cadre merveilleux et sauvage. Nous nous y attachons, les méchants arrivent, l’enfant découvre la trahison, et tout s’emballe. Survient l’aide mystérieuse d’une organisation de défense des animaux. L’animal sera-t-il sauvé ? Jusqu’où ira la torture du spectateur dans ce suspens épouvantable ? Jusqu’où ira le réalisateur pour montrer la face cachée de la viande ? Où veut-il en venir ?

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C’est là tout l’habileté de ce film incroyable. Par le biais de la fiction, et d’un animal imaginaire qui ne touche ni les adorateurs d’animaux domestiques, ni les défenseurs d’animaux sauvages, ni les fervents carnivores amoureux de leurs steaks, Joon-Ho Bong nous entraîne bien au-delà de ce qu’on pouvait connaître, imaginer, savoir ou renoncer à voir.

Le film a ses petites faiblesses, notamment dans les caractères « véganes » de l’histoire. Mais il n’est pas non plus purement manichéen et montre au final que ce qui se passe dépasse toute logique, que l’enfer des animaux c’est l’humain sur terre, que ça existe, car oui : Okja a beau être une fiction, ce n’en est pas moins le reflet de ce que l’homme fait des animaux à l’échelle mondiale.

Sans dévoiler tout à fait la fin, on en retiendra les plans très sombres, contrastant tragiquement avec l’émerveillement du début du film. On en retiendra tout l’éloquence, les regards, la folie, et les similitudes avec d’autres situations historiques et macabres.

J’ose dire qu’Okja est un film nécessaire, et qu’il nécessite que chacun le mette en parallèle avec notre monde, pour mieux en cerner l’absurdité. Pour moi, c’est le film de l’année.

Okja, de Joon-Ho Bong, avec Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Steven Yeun, Paul Dano, Ahn Seo-hyeon, Lilly Collins. Il a été projeté au festival de Cannes, et est disponible uniquement sur Netflix.

2 commentaires

  1. J’ai vu ce film la semaine dernière sur les conseils de mon Fils. C’est un film très bien fait, et qui permet de faire bon nombre de parallèles avec notre mode de vie actuelle.
    Merci pour ce post

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