Cross du Mont-Blanc (23kms) : Jour

C’est le Jour J, et je n’ai pas besoin de mon réveil pour ouvrir les yeux. D’un côté c’est pratique et d’un autre, ça me vole systématiquement une demie heure de sommeil. A 4h30 donc, j’ouvre les yeux d’un coup. Dans 3h30 je serai sur la ligne de départ, le coeur rempli de plein d’émotions différentes.

Je dormais tellement bien cette nuit, et j’en avais tellement besoin que je m’étais même dit : bah si je loupe le départ et reste à dormir ça ne sera pas plus mal. Et en même temps, j’ai toute la vie pour dormir. Si je veux, après la course je peux redescendre au centre direct et pioncer.

Mais pour l’heure, ça serait quand même dommage de ne pas tenter de décrocher cette médaille. Les conditions sont idéales. Depuis deux jours ils annonçaient de la pluie pour vendredi soir, avec des orages : ça promettait un terrain trempé, glissant, et donc dangereux. Ils promettaient aussi plus de 27 degrés en plaine. Finalement, pendant la course il fera entre 15 et 22 degrés, et le sol est sec ! 💪

L’ambiance du départ est complètement dingue. C’est une course à renommée internationale, si bien qu’on entend parler plein de langues différentes, c’est extra ! Je suis avec mes compagnons du 23km et très contente de ça, moi qui suis plutôt solitaire d’ordinaire ! Marc, Sonia, JC et Stéphane sont vraiment super sympas, comme le reste du groupe de l’UCPA. J’ai rarement vu autant de bienveillance au m2 ! 🙂

Le départ est fantastique, et j’aperçois quelques compagnons du 42k qui sont venus nous encourager. Marie-Pierre a pris une super photo de moi : pour une fois qu’on voit que je cours sur une photo ! 😂

Cette première partie de Chamonix à Tré-Le-Champ est un pure régal, c’est beau, je ne me fais pas larguer alors que je cours à mon rythme, j’ai les jambes comme toujours quand une course a lieu le matin, et il ne fait pas encore trop chaud. Je reconnais bien le parcours, et je suis contente de cette familiarité avec le terrain, ça me rassure. Pour ça je remercie beaucoup notre coach Yan, un gars avec un coeur gros comme ça, ultra zen et très attentif et bienveillant. Je ne stresse pas du tout, même si comme à chaque course une certaine excitation est palpable depuis déjà 3h ! 😛

Au premier ravito, donc à la barrière horaire, j’ai 30 minutes d’avance sur le temps réglementaire. Il y a eu un bouchon qui a bien duré 5 minutes sur le balcon en forêt, mais ça ne m’a pas inquiétée plus que ça vu qu’on est tous dans le même bateau ! J’hésite à m’arrêter mais je sais que la partie suivante est la plus dure : 8 kms avec 900 D+. Je la connais aussi et c’est ultra chaud, donc, je décide de prendre quelques minutes pour re remplir mes gourdes, boire une boisson isotonique, et me rafraîchir. J’avais déjà fait trempette dans un bac avant le ravito, de la tête aux pieds ! (Casquette Salomon baptisée).

La suite se corse. Mais je le savais. La première montée sui est la plus dure se passe vraiment nickel. Je n’ai plus de nausées comme le matin à 6h: (note pour plus tard : le jus d’orange avant la course c’est non). Je continue à m’alimenter avec ma pate de dattes. Mais c’est bizarre, j’ai du mal à mâcher même. Je mange par petits bouts. Je ne vois finalement pas passer cette montée, et on arrive déjà à la descente, qui m’inquiète un poil plus. 😬

D’abord faite de racines, assez pentue, elle enchaîne avec des pierres, que j’avais presque oubliées depuis lundi. Je me rappelle bien de faire des petites marches et non des grandes enjambées, de bien poser et assurer mes pieds, et de descendre au maximum d’abord ma jambe gauche pour ménager mon genou. Manque de bol arrivée en bas ça pique quand même. Des deux côtés des genoux je sens mes ménisques et mes ligaments qui se font un un puissance 4.

La montée suivante est coriace aussi car on vient justement de se faire la descente. Là, au bout d’un moment, les nausées me reprennent. Je n’arrive plus à m’alimenter, l’oreille bourdonne et j’ai la tête qui tourne. Je m’assois. Mon rein me fait souffrir aussi depuis quelques kilomètres sans que je comprenne pourquoi, comme sur le marathon. Nous sommes au 17e kilomètre et j’ai encore le temps d’arriver à la prochaine barrière horaire. Seulement voilà… j’en perds car avant de me relever, je dois attendre de ne plus ressentir le malaise. 😑 J’essaie une fois, mais ça tourne et je sens mon corps m’échapper clairement. Là où je me trouve, si je décide d’abandonner ou que je tombe dans les pommes, c’est les secours et tout le tintouin ! 😕 J’attends donc et je finis par repartir. Mais juste avant la dernière montée où l’on aperçoit les télécabines de La Flégère, je vois le chrono m’échapper aussi, et surtout la barrière horaire. Il me reste 5 minutes pour l’atteindre, c’est juste impossible. Les gens (beaucoup) qui sont autour de moi le savent aussi.

Immanquablement, quand sonnent 12h30, l’heure limite, tout le monde ralentit y compris moi… quand nous arrivons, on doit affronter l’humiliation du runner/trailer (une première fois pour moi), le découpage d’une partie du dossard qui signe le hors délais. Je m’approche des tables pour me ravitailler et là, je fonds en larmes. A 17 minutes près ça passait et je pouvais continuer.

Je fonds en larmes, les bénévoles s’inquiètent, me disent « tu pleures car tu es fatiguée ? ». Ils ne semblent ps comprendre ma déception. Alors je pleure et me mets en colère et lâche « quelle idée de choisir ça aussi pour faire un premier trail », j’étais dépitée d’un coup de ma connerie monstre ! Tout se mélangeait : la joie d’être arrivée là, l’humiliation du hors délais, ma bêtise et mon entêtement ! Et là les bénévoles s’exclament : c’est ton premier trail et tu arrives jusqu’ici ? Et là ils se mettent à 👏 ! J’ai repleuré de plus belle. 😂

Finalement, je vais rester là-dessus : c’est mon premier trail et ma montre affiche à la fin 20,800 kms avec 1400m de D+. Je n’ai jusqu’à présent couru qu’en ville, sur du bitume. Je dois reconnaître qu’à mon niveau, faire un semi avec ce D+ en 4h47, c’est plutôt pas mal.

Surtout, la motivation principale était d’aller voir la montagne, de sortir de ma aine de confort, de sortir du cadre, et surtout surtout : vaincre mon vertige ! Pour ça, cette semaine est vraiment une superbe réussite. Je ne me suis pas retrouvée à 4 pattes de toute la semaine (ou alors 3 secondes sur la deuxième partie de la course). 😂

Je ne ramène pas la médaille mais ce que j’ai gagné est infiniment plus intéressant : des rencontres incroyables, de l’humilité (encore), de la lucidité (quoique la seconde partie de la course tendrait à prouver le contraire), et plein d’autres choses comme l’envie de refaire d’autres trails, plus accessibles car il y en a forcément de jolis, en Bretagne par exemple comme a dit Marie-Pierre et je veux bien la croire puisque je la connais très bien la Bretagne ! 😍

C’est presque la fin de l’aventure, mais le début de celle de mes camarades commence demain : 42kms…de ouf.

Entre nous, heureusement que je ne ramène pas une breloque de plus : j’ai trouvé la médaille énorme et moche, mon bagage n’aurait pas passé la barrière pondérale à l’aéroport ! 😂😉

4 commentaires

  1. Très bon résumé 👍 et comme tu le dis le Trail est un formidable vecteur d’humilité… À propos je te conseille le livre « au cœur du Trail », il y a un chapitre intéressant sur le sujet ☺️

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